La lecture d’un article de Charles Sannat cette semaine, m’a fait l’effet d’une révélation : après une longue maturation, c’est la goutte qui déclenche la réaction catalytique et soudain tout ce qui paraissait obscur, embrouillé et sans issue est lumineux et serein. Cet article ou plutôt cette expression dans l’article était « l’exode urbain », dont on sent déjà les premiers frémissements. C’est pour moi l’annonce du retour de balancier, du retour à l’équilibre, fruit d’un imparable phénomène d’homéostasie globale, qui fait qu’après les excès, les choses finissent par revenir à la normale, même si les hommes politiques font tout leur possible pour s’y opposer.
Pendant 100 ans, depuis la fin de la première guerre mondiale, les villes ont absorbé les campagnes, les villes ont enflé démesurément, les campagnes se sont vidées à mesure qu’on avait moins besoin de bras dans les champs et plus dans les usines. Et les villes ont pendant des dizaines d’années continué à s’etendre et par un immense vortex à attirer des gens par dela les océans alors même qu’elles n’avaient plus rien à leur proposer. Puis les villes ont commencé à à produire des métastases bétonnées à leur périphérie, elles se sont congestionnées, spectacles de files de voitures sans fin à l’arrêt. Elles sont maintenant en train de se nécroser sous nos yeux. Les commerces ont migré en périphérie car il était devenu trop compliqué d’accéder au centre ville. Les habitants les plus pauvres sont partis car les prix de l’immobilier ont explosé, suivis maintenant par les classes moyennes. Les entreprises ont commencé à s’installer plus loin, là où c’est moins cher, là où on arrive plus rapidement. Et internet a rendu inutile la proximité avec les prestataires de services, les clients, les administrations.
Les villes nous avaient coupé de la nature, les villes avaient fait de nous des termites, industrieux la journée et rendus à l’état de larves le soir devant la télévision. Des insectes sociaux nus et sans défense, dépendant pour les choses les plus futiles d’entités extérieures comme les commerces, la ville, l’entreprise, la région, l’état, la police. La société de consommation, consubstantielle de la ville, devait nous fournir tout ce dont nous avions besoin sans que nous ayons plus désormais besoin de nous en charger. Nous travaillerions moins, nous aurions plus de loisirs. A l’aube des années 70, la société de l’an 2000 était annoncée comme celle des loisirs. Nous savons maintenant qu’elle fut celle du chômage et de la misère assistée par ordinateur.
La société de consommation a été une promesse non tenue, nous pouvons maintenant en prendre acte. Un mensonge qui prétendait augmenter notre pouvoir d’achat en nous vendant des choses de mauvaise qualité à bas prix . Des choses dont pour la plupart nous n’avons pas besoin. Mais à côté de ça la société marchande est incapable de produire quelque chose d’aussi simple qu’une bonne tomate ou une bonne pizza, voire une bonne saucisse. Structurellement. Ce n’est pas une histoire d’individu, de hasard, de réglage, de mode, c’est impossible tout simplement, parce que ce n’est pas fait pour ça. L’essentiel de ce qui est financièrement accessible est de mauvaise qualité. La société de consommation de masse est une société de deuxième catégorie, c’est cela qui devient évident aujourd’hui, qu’il s’agisse de tomates, de musique, de télévision, de politique. Laideur ordinaire, mauvais goût, vulgarité, superficialité, un monde en toc. Nous vivons en ce moment la fin du rêve, la fin du mensonge, le petit matin blême où les choses apparaissent enfin pour ce qu’elles sont : la gueule de bois sociétale.
Alors nombreux sont ceux maintenant qui pensent que finalement, avoir une voiture qui peut rouler à 180km/heure pour faire du sur-place dans les embouteillages ça ne sert pas à grand chose. Le rêve individuel devient un cauchemar collectif : il n’y a pas assez de place sur les routes pour tout le monde. Gagner plus d’argent à la ville pour le dépenser dans le loyer d’une cage à lapin n’est pas un optimum de vie. Ne pas pouvoir manger une bonne tomate… Vous riez ? J’en ai rêvé la nuit dernière, j’étais avec mon panier dans la petite coopérative agricole d’un village de Galice, et sur les rayonnages je tendais la main vers une tomate d’un rouge presque grenat, très mûre, avec une légère fente teintée de blanc et de vert sur le dessus. Une tomate qui par définition ne peut pas se trouver là. Et au moment où ma main allait la saisir pour la mettre dans le panier je me suis réveillé… Et je suis revenu à la réalité : mes pieds de tomates sont bien en retard… Je ne mangerai pas de bonnes tomates avant un mois. Mais au moins je vais en manger. Je vais avoir la chance inestimable de pouvoir manger des tomates parce que je les ai semées, je les ai repiquées, je les ai paillées, je les ai tutorées et je les ai arrosées tous les jours. Combien faudrait-il que je vende ces tomates au kilo pour pouvoir rentrer dans mes frais, mettons au tarif horaire du SMIC ? 10€ le kg ? 20€ ? C’est de la tomate de luxe, un suprême luxe qui n’existe pas dans le système marchand, et pas plus dans le bio qu’ailleurs, car les tomates bio sont « poussées » à grand renfort d’arrosage sur un substrat pauvre en nutriments, et elles n’ont pas plus de goût que les autres. Et pourtant toute personne ayant un petit bout de jardin peut s’offrir cet incroyable luxe pour presque rien, à condition d’y passer du temps. Mais pour avoir un jardin il faut presque déjà retourner à la campagne. Renoncer à la ville et ses mirages.
Mais vous pourriez le faire pour d’autres raisons que simplement planter des tomates. Vous avez peut-être pris soudain conscience que votre travail, tout bien considéré, n’a aucune utilité. C’est un travail zombie dans une économie zombie, après des études zombies durant lesquelles vous n’avez rien appris de réellement intéressant. Une économie qui vit non plus de ce qu’elle produit mais de l’augmentation permanente de la dette qui permet de continuer à nourrir les zombies. Chaque seconde qui passe la dette augmente, et la production de choses réellement utiles diminue. Or, à un moment on va nous présenter la facture. Et ce moment s’approche maintenant à grands pas. C’est Christine Lagarde qui a vendu la mêche dans cette vidéo en Anglais au forum de Davos, dans laquelle elle annonce l’imminent « reset » de l’économie mondiale. Une remise à zéro de la dette mais aussi de tout l’argent disponible sur les comptes bancaires, plans d’épargne, assurances-vies, actions, etc. qui sont la contrepartie de cette dette. J’ai bien dit de TOUT l’argent, tout votre argent, l’argent de tous les Français. Et subséquemment cela entraînera l’atomisation de l’économie zombie, et de tout le reste.
C’est à ce moment que beaucoup découvriront que les i-phones ne se mangent pas, que leur voiture est invendable sauf au prix de la ferraille, que leur appartement ne trouve pas preneur, à aucun prix, et qu’ils ne savent rien faire de réellement utile qui puisse se monnayer. Douloureuse remise en question. C’est là où vous serez heureux d’avoir des tomates, mais aussi des pommes de terre, des concombres, des poules… Et des voisins qui pourront vous donner un coup de main à réparer votre toit.
Quitter son travail, déménager et changer de vie c’est aujourd’hui prendre des risques, mais demain vous pourriez bien cette fois être obligés de le faire, et dans des conditions bien pires. Partir c’est quitter la vie de termite, reprendre un peu d’autonomie et de dignité face à une société qui prétend nous sécuriser alors qu’elle nous étouffe sans plus nous protéger de rien. C’est cesser de passer son temps à faire des choses inutiles et absurdes, c’est regarder les choses avec un oeil neuf, comme si on n’avait rien vu réellement jusque là, et se dire qu’il faut profiter de chaque seconde de cette vie, du soleil, des nuages et de la pluie, toutes ces choses que l’on a oubliées, prendre le temps de regarder passer la rivière, la forme changeante des nuages, le soleil qui se couche, écouter les bestioles qui chantent, sentir l’odeur de la terre chaude et humide après l’orage, sans autre chose plus urgente à faire que de profiter de ces instants. Deviser dehors, en famille ou avec des amis, faire un petit barbecue. Vivre, enfin.
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